Désenchantement
Et s'habiller de ces regards
Se vêtir des gestes et des fards
Toutes ces ombres appréhendées
sur les visages entrefilets
Je te recherche à travers eux
à commettre des gestes frileux
sous le parapluie des secrets
comme le pêcheur aux aguets
Ma vie s'enfuit aux vents du large
où se brisent sinagots et barges
Les coups d'ailes du cormoran
tentent de faire tourner le vent
Rien n'apparaît, rien ne délivre
ne verse que ce qui enivre
des parfums de mer à mes envies
pas un sémaphore au creux des nuits
dans la brume de ma chevelure
En provenance d'un monde obscur
je laisse perdurer mes rêves
sur l'encre rougie de mes lèvres.
Extrait de « Fruits doux à mer »
Edition Société des Ecrivains
J’attends du jour
L’aube soulève
une paupière lourde d’étoiles
Le jour s’esquisse
altéré de teintes traversières
Les eaux langoureuses
de la nuit forment sa matrice
J’attends
avec impertinence
Je déplace mes servitudes
d’un quotidien d’errance
vers un plus tard d’habitudes
J’attends du jour
qu’il joue divinement
la sonate des heures
qu’il exalte mes sentiments
et de mon paysage les couleurs
Je n’en veux pas de maussade
pas de pleurs tournoyant aux jardins
J’attends du jour
qu’il installe au ciel sa sentinelle dorée
pour quelques promesses, quelques baies
qui doivent mûrir cet été.
Extrait de « Fruits doux à mer »
Edition Société des Ecrivains
Le jour où il n'y aura plus
Comme la mer haletante revient sous chaque lune
jeter sa chair au monde
je jette mon impatience aux rives indicibles
des parfums saisonniers
Je pose ma sagesse recueillie en pluie fine
par mes yeux souverains
sur la fleur avenante aux hasards des pétales
qui embaument mes mains
Le parfum du printemps est déposé sur nous
par les oiseaux de lune
et l'encre de leurs plumes
J'attends la symphonie composée blanc laurier
pour cette primevère
Et ce rond rouge-gorge par la lune égayé
m'en chante le couplet
Sous le feu de la forge j'arrive à l'équinoxe
de ma vie traversée de blessures et de pluies
Et je sais que le jour où il n'y aura plus
ces lumières de lune dans mon royaume d'ombres
Je partirai.
Extraits de « Fruits doux à mer »
Edition Société des écrivains
Le sablier et le miroir
Où s'en vont donc nos vies sans autres arrimages
que des cordes de lin rompues sous le naufrage
du premier vent contraire à nos cœurs de faïence
Ne reste que l'envie de rejoindre l'enfance
Il se glisse souvent aux feuillages teintés
une étrange mouvance de vies parcheminées
Le long de nos rues sourdes aux reflets d'asphalte
les corps las s'avancent au sablier d'albâtre
On s'arrête en chemin on frissonne étonné
observant l'alentour des instants éprouvés
d'une vie où l'hier est un miroir d'errance
comme une maison vide imprégnée de l'absence
L'on demeure étranger à l'enfant évanoui
dans notre corps d'adulte mais dans le cœur enfoui
Il suffirait d'un souffle l'odeur d'un fruit doré
pour que renaisse aux yeux la conscience épurée
Il semblerait ce soir que les arbres ont grandi
Et mes pensées blanchissent ce ciel endormi
Nostalgie s'il est vrai que les arbres ont grandi
ma vie j'ai oublié de vivre jusqu'ici.
Extrait de « Terre de faïence »
Un Giotto
Les troncs bleus des bouleaux
se mirent dans l’étang
attentif à la moire naissante
La chair jaune de leurs feuilles d’acanthe
ponctue en gouttelettes d’eau
cette évanescence
offerte à mon cœur qui pleure
comme il pleut ton absence
Je meurs et refleuris de toi
Tu me nourris et tu me prives
tu es l’étang, tu es la rive
Mes yeux nymphéas en partance
te cherchent dans les reflets
du jour sur l’eau
Tel un Giotto, tu m’apparais
Ton visage ton visage, tes traits
tes yeux, ton corps d’ambre
Réminiscence
offerte à mon cœur qui pleure
comme pleut ton indifférence.
Extrait de « Fruits doux à mer »
Edition Société des Ecrivains